HISTOIRE D'ANTOINE TOUNENS ROI DE PATAGONIE
Orélie-Antoine de Tounens fû un aventurier français et roi autoproclamé, surtout connu pour ses efforts visant à établir une monarchie française dans le sud du Chili. Né en 1825 dans le Périgord, il voyagea en Amérique du Sud dans les années 1850, où il se trouva mêlé à la politique du peuple indigène Mapuche. En 1860, Tounens se proclama roi d'Araucanie et de Patagonie , une région à cheval sur le sud du Chili et de l'Argentine, alors sous contrôle des Mapuches.

Orellie Antoine de Tounens est né à Chourgnac, en France, le 12 mai 1825. Il était le huitième enfant d'un couple de paysans.
Il est avoué (avocat) au tribunal de première instance et avait rejoint la franc-maçonnerie à Périgueux. Grand lecteur de livres de voyage, Antoine fut fasciné lorsqu'il lut le poème épique « La Araucana » d'Alonso de Ercilla. L'auteur basque y décrit la lutte vaillante des Mapuches contre les conquérants espagnols dans la région de l'Araucanie, au centre du Chili, à la frontière avec l'Argentine.
Antoine a 33 ans et décide de tout quitter et de voyager en Araucanie en 1850 pour fonder un royaume. Son argument était que l’Araucanie n’avait jamais légitimement appartenu au roi d’Espagne. C'est-à-dire qu'il a déclaré le territoire « no man's land » et a dénoncé le gouvernement chilien pour avoir tenté de l'occuper illégalement.
La légende raconte que c'est ainsi que commença l'obsession de Tounens pour ce peuple indigène, que les Espagnols appelaient « Araucaniens » et qui vivait et vit encore à l'extrême sud du continent américain, entre le Chili et la Patagonie argentine.
Admirateur du peuple Mapuche et de sa lutte pour l'indépendance, le Français décide de devenir leur chef et de créer son propre royaume en Amérique du Sud.
Là, il se fait appeler « Prince De Tounens » et prend contact avec des marchands français qui l'aident à établir des relations avec les cercles de pouvoir locaux.
Alberto Sarramone, un historien argentin qui a publié une biographie de Tounens en 2005 — « Orélie Antoine Ier : un roi français d'Araucanie et de Patagonie » — dit qu'à son arrivée au Chili, il ne parlait pas espagnol, mais qu'après deux ans, il maîtrisait non seulement cette langue mais aussi « l'araucanien ».
Sarramone, dont l'intérêt pour le personnage est né grâce aux histoires racontées à son sujet par son grand-père français, qui a émigré de Gascogne en Amérique du Sud, raconte que même si l'exploit de Tounens semble fou, à l'époque ce n'était pas si inhabituel.
« Tounens était un aventurier à une époque où la vague d'immigration en Amérique était aussi actuelle et forte que celle des peuples africains et asiatiques aujourd'hui, et où le colonialisme était en vogue », dit-il.

Il a donc considéré la région comme un « no man's land » et a dénoncé la tentative du gouvernement chilien d'occuper illégalement la zone.
Cela l'a conduit à s'allier aux dirigeants mapuches, les « lonkos », dans leur lutte contre les autorités chiliennes.
Selon Sarramone, le fait qu'il ait appris à parler couramment l'araucanien et qu'il soit également un brillant orateur a « séduit » ce peuple, célèbre pour avoir défendu son indépendance.
Ainsi, sous la promesse d'obtenir le soutien diplomatique français à la lutte mapuche, en novembre 1860, Tounens déclara cette région Royaume d'Araucanie et s'autoproclama monarque, sous le nom d'Orélie Antoine Ier.
Quelques jours plus tard, il « annexa » la vaste région de la Patagonie argentine à son royaume, se nommant « roi d'Araucanie et de Patagonie ».
L'intrépide Français promulgua également la constitution de son territoire, qui devint en Europe le Royaume de la Nouvelle-France.
Il engagea même un musicien allemand pour composer « l'hymne royal » et fit réaliser le drapeau de son royaume, composé de trois bandes horizontales bleues, blanches et vertes.
Selon Sarramone, les dirigeants mapuches, désireux d'obtenir le soutien d'une puissance étrangère, ont soutenu la proposition, votant en sa faveur lors d'une assemblée nationale à laquelle ont participé des milliers de responsables.
Le nouveau roi n’a jamais eu le contrôle effectif du territoire qui désormais « lui appartenait ». Celui-ci n’a jamais été reconnu par aucun État. Les autorités mapuches ont continué à exercer leurs fonctions, tandis que les autorités chiliennes exerçaient une surveillance vigilante et menaçante. Aucune habitude ni coutume ne fut modifiée dans ses domaines. Quilapán, qui le considérait comme un étranger capable de gagner le soutien d'une puissance européenne, ne le reconnut pas non plus comme souverain, bien qu'il suivit certains de ses conseils et lui permit d'utiliser le titre de roi.
Le projet d'indépendance parvint aux oreilles de José Joaquín Pérez, le nouveau président chilien, qui, pensant que cela pourrait susciter la colère des Mapuches, chargea les agences de l'État de retrouver et d'arrêter Tounens.
D'après ses mémoires, Orellie Antoine de Tounens se reposait sous un pommier au bord du Malleco, le 5 janvier 1862, après une des cérémonies qu'il avait tenu pour sa reconnaissance comme Roi, où il organisait des tournois, des exercices militaires et des festins avec beaucoup d'alcool, lorsque plusieurs hommes l'emprisonnèrent.
Après avoir été jugé le 19 juillet 1862, le juge Matus rendit un jugement rejetant l'affaire, considérant que l'accusé n'était pas sain d'esprit, ordonnant son internement à l'asile d'aliénés de Santiago, d'où il fut libéré après avoir été convoqué par le chargé d'affaires français et embarqué à bord du navire de guerre "Dugway Trouin" à destination de son pays.
Avant d'être rapatrié, De Tounens était tombé malade de dysenterie et, craignant la mort, avait rédigé son testament : « Considérant que, par anticipation à notre mort, nous devons déterminer dès à présent les droits à notre succession ; et en vertu de cela, nous instituons Jean de Tounens, notre père bien-aimé, comme nos successeurs à la couronne d'Araucanie et de Patagonie . »
De retour en Europe, De Tounens fait connaître ses exploits, publie ses mémoires en 1863 et obtient des ressources avec déja l'idée de retourner au Chili car ce retour forcé n’a pas mis fin à l’ambition du roi autoproclamé.
Il l'a fait, dit Sarramone, avec le soutien de l'empereur Napoléon III Bonaparte.
Le voila de retour au Chili a la fin 1869. La situation a changé : l'État chilien a commencé à coloniser le territoire et à prendre le contrôle des Mapuches. L'incapacité du roi à affronter l'armée chilienne, qui avait mis sa tête à prix, le contraignit à se rendre à Buenos Aires en juillet 1871, pour revenir en France l'année suivante.
De Tounens ne renonça pas, frappant des pièces de cuivre pour le royaume, chargeant l'Allemand Wilhelm Frick Eltze de composer un hymne pour son royaume et publiant un journal pour diffuser sa cause.
Hymne de la Maison Royale d'Araucanie et de Patagonie. Œuvre du compositeur allemand Wilhelm Frick Eltze (1813 - 1905) basé à Valdivia, au Chili.
Ses deux dernières tentatives pour reconquérir le royaume eurent lieu en 1874 et 1876, mais dans aucun des deux cas il ne parvint à atteindre le Chili. Dans le premier de ces voyages, il débarqua à Bahía Blanca, où il était arrivé incognito sur un navire de guerre français, ce qui suggère l'intérêt du gouvernement de ce pays pour son entreprise. Il a été découvert et déporté.
Lors du quatrième et dernier voyage, il s'installa à Choele Choel, sur la rive gauche du fleuve Negro, qu'il considérait comme la pointe la plus septentrionale du royaume en Patagonie. Mais sa santé était déjà précaire et il ne pouvait pas continuer vers le Chili.
En 1878, il revient en France, pour mourir dans la pauvreté à Tourtoirac, le 17 septembre de la même année. Là, sur sa pierre tombale, on peut lire : « Ici repose Antoine Orllie De Tounens, 1er roi d’Araucanie et de Patagonie . »
En 1882, son cousin français Gustave Achille Laviarde déclara qu'Antoine de Tounens l'avait nommé héritier du trône d'Araucanie par testament et assuma le rôle d '« Achille Ier, roi d'Araucanie » , sa prestation se limitant à raconter les aventures de De Tounens. Son neveu lui succéda sous le nom de Philippe Ier, et à ce jour, les « souverains imaginaires » qui prétendent lutter pour les droits de la communauté mapuche continuent de revendiquer des territoires argentins et chiliens pour un royaume sans existence légale et sans aucune reconnaissance internationale.